lundi 30 mars 2015

Meanwhile in South Carolina...


Hi world

J'entame donc mon 6 ème  7ème mois en Caroline, plus de la moitié donc, lecteur, c'est là que tu te rends compte que le temps prend la poudre d'escampette sans même que tu t'en aperçoives. C'est assez troublant, une année en France me paraît durer des millénaires en comparaison.

Nous sommes donc en mars, ce qui signifie que le mois dernier si tu me connais, c'était le mois de mon anniversaire, et pas n'importe lequel puisque j'ai eu




Et donc pour marquer le coup (et je pense que mes contacts snapchat l'ont très clairement compris) je suis allée à Orlando et plus particulièrement à :

Universal  Studio


Bon, j'aimerais vous faire un résumé détaillé de mes aventures mais disons seulement que mes parents d'accueil, Pri, ma soeur d'accueil et sa pote et moi sommes descendus en Floride à Orlando pour mes dix-huit ans et que je me suis ECLATEE. VOILA.

Sauf que ça c'était pendant le week-end de la Saint Valentin, soit une semaine avant mon anniversaire. Ce qui fait que du coup mon anniv était le vendredi suivant, un jour de cours, ce qui m'a partiellement déprimée.
Je me suis donc levée sans entrain ce vendredi 20 février 2015, évitant soigneusement de jeter un œil aux douze milles messages qui m'attendaient sur mon portable, je me traîne à la cuisine pour ma rasade de café noir quotidienne et je vois que ma famille d'accueil a pensé à moi la veille (oui car je me lève à 5h30 et pas eux) et a laissé un bouquet de fleurs auquel est attaché un ballon, je vois aussi une enveloppe avec *roulement de tambour* des tickets de lotos ! Et oui, hormis pouvoir fumer, quand tu as dix huit ans aux Etats-Unis tu peux jouer à des jeux d'argent. 

Bref, je m'installe sous ma couette avec ma tasse fumante à la main, j'ordonne au chien de me laisser ruminer en paix et le chasse de ma chambre, me met à checker mes messages d'anniversaire qui retracent la personne que je suis devenue aujourd’hui en partant de ma naissance, fond en larme, part me laver le visage dans la salle de bain, m'applique une généreuse dose de maquillage pour cacher les dégâts et part pour l'école.

Et là je dois dire que le lycée m'a grave surprise ! Je pensais que j'allais passer une journée de merde super déprimante mais les gens n'ont pas arrêté de me souhaiter un joyeux anniversaire, au lunch Shelly m'avait ramené du Chick-Fil-A en guise de cadeau (elle sait que je ramène jamais de bouffe à midi et elle sait que j'adooore le Chick-Fil-A), puis on va en cours d'arts, Shelly dit à la prof que comme j'ai dix-huit ans je me ferai tatouer avec elle BFF FOREVER sur l'épaule et Miss Stowe prend un air scandalisé.
Mais le meilleur c'était en French Class, ils m'avaient organisé un goûter ! Tout le monde me chantait joyeux anniversaire et ils m'avaient amené un gâteau qu'on a tous partagé en regardant des vidéos de rap asiatique sur le tableau numérique (tout le monde peut s'amuser comme il l'entend, tu ne juges pas S'IL TE PLAIT)

Breef, la meilleure partie reste le soir. Moi, Pri, Jessica, Ilona, Naziya et Mackenzie nous retrouvons à Outback, un steakhouse (oui on reconnaît les dalleuses) 




Ca c'est nous transformant la voiture de Jess en boîte de nuit.



Voilà, ensuite on va traîner au centre-ville et la soirée se termine sur Love Me Like You Do, hurlée à gorge déployée (ne me jugez pas svp).
Voilà, j'ai dix-huit ans maintenant, ça fait bizarre, je suis majeure désormais, ici tant que j'ai pas 21 ans je suis toujours un bébé mais en France, chez moi, je suis majeure, un début de jeune-femme presque prête à s'élancer dans la vie d'adulte. Et ça me fait tout drôle.



J'ai aussi les meilleurs parents, la meilleure sœur et les meilleurs amis du monde pour m'avoir envoyé des cadeaux aussi chouettes par delà  l'océan. Merci tout le monde, je vous aime, vous êtes géniaux !


 Bon passons la phase anniversaire et changeons de sujet lecteur, venons-en plutôt à mon voyage à Washington DC avec mes potos les étudiants d'échange !


Si vous m'avez sur Facebook vous avez sûrement dû voir un petit milliard de photos de moi avec des gens qui brandissaient des selfies sticks de toutes parts. Et si ce n'était pas le cas, en voici quelques unes qui résument brièvement cette petite escapade dans la capitale des US (et aussi à Williamsburg...)



C'est durant ce type de voyage que tu te rends compte d'où tu es, de ce que tu as accompli, des rencontres que tu as faites et combien, ô grand combien, tu as changé.
Je me suis tout de même rendu compte que j'étais une sacrée sotte avant. À parler de la vie comme si j'avais tout vu et tout vécu, je pensais que lire des livres me suffisait, que vivre les choses par procuration équivalait à les expérimenter. Sauf que la vie, ben c'est pas comme ça, c'est pas en lisant Jane Eyre que tu comprendras bien les douleurs de la séparation, c'est pas en lisant Le Meilleur des Mondes que tu sauras ce qu'est un univers différent, c'est pas en partant deux semaines à l'étranger que tu te fondras dans une autre culture. 
Non, disons que lire et rêver m'ont seulement aidée à me faire une idée de ce que "s'évader" voulait dire. Et voyager finalement, ça se rapproche assez de la rêverie, sauf que tu ne contrôles rien. Quelque part c'est effrayant et obscur, mais si tu choisis de mettre un soupçon d'effort dans ce que tu entreprends, ça pourrait bien en valoir la chandelle.


Maintenant que je trie mes souvenirs, car les mois qui se sont écoulés dernièrement ont laissé leur petite marque indélébile, je commence à trouver des choses en moi qui n'existaient pas avant, je découvre les choses que j'ai comprises et celles qui me restent toujours en travers de la gorge. 

J'ai appris à aimer les palmiers, la mousse espagnole, les champs de coton et les herbes hautes de la marée basse, comme j'ai appris à les haïr de tout mon cœur. J'ai détesté, méprisé et rejeté les adolescents de mon lycée comme j'ai éprouvé de la compassion pour eux, car comment pourrais-je jamais les haïr complètement ? Est-ce qu'ils ont choisi leur vie misérable en Caroline du Sud ? Est-ce qu'ils ont choisi de vivre là où leur famille a toujours vécu depuis la guerre de Sécession ? Est-ce qu'ils ont choisi de vivre dans ces roulottes au bord des chemins, qui foisonnent sur toutes les routes des contés de Caroline ? Non. Bien sûr que non. Vont-ils la quitter un jour ? Cette Caroline qu'ils haïssent et aiment malgré eux ? Non. Parce que c'est à cet endroit qu'ils appartiennent, quand on a commencé à vivre dans le Sud on continuera de vivre dans le Sud, et les générations suivantes continueront elles aussi. C'est comme ça, c'est ce que sont les gens ici. La plupart n'ont jamais quitté l'état de leur vie, la côte Ouest leur est à peu près aussi familière que le pays d'Oz, l'Europe n'est qu'un nom aux consonances exotiques. Ce n'est pas de leur faute tout ça, nos chances dans la vie nous sont distribuées dès la naissance et lorsqu'on naît à Beaufort dans un petit ghetto dans une famille qui touche moins de 12 000 dollars par an, disons que la fortune n'est pas vraiment de notre côté.
J'ai haï la religion. J'ai cru que j'étais très tolérante, que je pouvais passer au-dessus de ces petites bourgades sudistes où les églises baptistes sont plus nombreuses que les maisons. Sauf que non. J'ai écouté le sermon du pasteur de vingt-cinq ans qui méprisait avec vigueur les athées et les religieux non pratiquants et qui ensuite rappelait à son assemblée que juger autrui était un péché.
Pourtant je lui ai aussi pardonnée, à cette religion étouffante qui m’oppressait jour et nuit, car elle rendait mes congénères plus humains, elle leur donnait semblait-il une raison de vivre. Peut-être alors était-ce mieux que rien.
Je me suis haïe, aussi. Je me suis haïe pour haïr ces choses que j'avais tant voulu voir. Je me suis haïe car plus d'une fois je me suis trouvée faible alors que j'aurais du être courageuse. Je me suis haïe quand les gens m'ont dit que j'étais forte, car je n'étais pas forte, j'étais terrifiée et je faisais semblant d'être un roc inébranlable pour me dire que tout allait bien quand tout était chaotique.


Et je voudrais tant en dire plus, j'aimerais tant t'en dire plus, lecteur. Mais je ne peux pas, je n'en ai pas le droit, car si je le faisais cela reviendrait à détruire la sphère intime des gens qui m'ont accueillie, mais pourtant c'est cette sphère intime qui m'a fait mordre la poussière quand je m'y attendais le moins. Car ce que je dis là "ne sont que les fragments d'une grande confession", je me censure car le moment n'est pas encore venu pour tout raconter, mais j'ai vécu des choses plus douloureuses encore que celles que j'ai écrites sur ce blog.

Mais ne te méprend pas, lecteur, car j'ai aussi aimé,
J'ai fait des rencontres inoubliables et j'ai appris aux autres à concevoir des amitiés immuables. Je me suis vue mûrir et devenir plus adulte.
J'ai appris que quand un monde s'écroule, c'est souvent pour en faire apparaître un plus grand dans son trépas.
J'ai nourri ma curiosité la bouche grande ouverte et j'ai vu ce que j'ai toujours rêvé de voir. Je me suis surprise plus d'une fois et j'ai cassé l'image que j'avais de moi-même pour mon plus grand bien.
J'ai aimé ceux que j'avais laissés derrière moi plus que jamais auparavant. J'ai créé des liens indestructibles avec mes parents malgré la distance, et j'ai compris combien mes amis comptaient pour moi, combien les moments que j'avais passés avec eux étaient précieux et combien leur absence avait creusé un vide au fond de moi.
J'ai aimé me lever le matin avec la seule anxiété de savoir ce que la journée allait m'offrir. J'ai aimé vivre ma vie au jour le jour, oublier l'avenir un instant et me jeter la tête la première dans l'inconnu.
J'ai aimé ces fous rires inoubliables avec mes nouveaux amis, ces soirées autour du feu de camp à la belle étoile, ces personnes qui m'ont tant appris et qui resteront toujours quelque part gravées en moi.
J'ai aimé enlever mes lunettes de française un moment, juste le temps de changer les verres pour voir les choses sous un nouvel angle.


Je crois que tout est plutôt résumé pour le moment, le temps presse et passe à la vitesse grand V lecteur, et les jours qui me restent sur cette langue de terre me sont comptés. Je te dis à très bientôt...

Au fait, 
Joyeux Anniversaire maman...


Je t'aime

Bien à vous, 

Aude.