dimanche 5 octobre 2014

Si vous parlez à Dieu vous êtes croyant. Si Dieu vous répond c'est quevous êtes schyzo.


- Je ne comprends vraiment pas tous ces gens à l'école qui refusent de croire, soupira la petite fille en roulant ses yeux au ciel, c'est vrai, j'essaye vraiment de leur faire comprendre que Dieu a créé l'univers tout entier mais ils continuent tous de croire à ces trucs scientifiques comme...  comment c'est déjà ? le Big Bang ? ... pff... j'essaye vraiment de leur faire entendre raison mais il n'y a rien à faire !
Haley, 13 ans, serra sa bible contre elle en regardant par la fenêtre de la voiture.
- La science... murmura-t-elle en secouant la tête d'un air désespéré, ils devraient plutôt aller à l'église.


Lecteur, lecteur... si je dois retenir ne serait-ce que trois choses de mon voyage en Caroline du Sud, ce serait la passion presque indécente qu'ont tous les américains pour les chiens, la climatisation même dans les toilettes publiques mais avant tout ça:

La Religion

Je savais en venant habiter aux Etats Unis que je n'échapperais pas à la Chrétienté qui berce la routine des Américains. Je savais que malgré l'officielle "Laïcité" des USA, le pays de l'Oncle Sam dispose d'un taux de spiritualité des plus importants. Seulement, je ne me doutais pas que ce serait si étouffant. 
Je respecte bien sûr les croyances et religions d'autrui, selon moi toute personne a le droit de croire en ce qu'elle veut pourvu qu'elle n'empêche pas son voisin de croire à son tour en ce qu'il veut. Eh bien, crois-moi lecteur, aux Etats-Unis il ne fait pas bon être shintoïste ou bien athée.
Tout commence en cours avec l'éternel "Pledge of Allegiance" que nous sommes obligés de réciter tous les matins à l'école, la main droite sur le cœur, le corps tourné vers le drapeau des Etats-Unis qui est accroché dans toutes les classes. 


"I pledge allegiance to the Flag of the United States of America, and to the Republic for which it stands : one Nation under God, indivisible, with Liberty and Justice for all."

Ou autrement dit:

"Je jure fidélité au drapeau
des Etats Unis d'Amérique
et au gouvernement pour qui il est levé:
une nation sous la providence de Dieu, indivisible,
Avec liberté et justice pour tous."


A chaque fois que je fais ça, j'éprouve un sentiment de malaise, je marmonne dans ma barbe pour faire comme si je prêtais serment afin d'éviter les regards lourds de reproche des autres élèves, mais je n'en pense rien. J'ai l'impression de proférer des mots vides de sens, je ne suis pas Américaine, je ne pense même pas croire en Dieu. Et même si la majorité des élèves sont chrétiens je sais bien que ce n'est pas le cas de tout le monde, alors... pourquoi ?

Ça me suit même pendant mes cours de Yoga le mardi soir, quand la prof nous lit des extraits de la Bible lors des étirements et quand on se met à prier au beau milieu du cours pour remercier Dieu du moment que l'on passe ici.
Sans compter les Grâces lorsqu'on est plus que d'accoutumée à table, on prie tous ensemble en guise de remerciement pour le repas, oui, même à MacDo.
Je ne vous parle pas du jargon local, où les expressions telles que "Jesus !", "Oh Gosh !" et autres proférations semblent avoir remplacé les pires Curse Words de la langue française.

Aussi, là-bas j'ai été choquée par le peu de diversité ethnique à la messe. C'est dingue, au lycée je me sens comme l'une des seules blanches au milieu de mille élèves mais quand je suis à l'église : pas un noir ! Et on est plus de cinq cents ! C'est vraiment étrange, comme s'il y avait des endroits pour prier entre noirs et entre blancs. C'est ce qui est le plus déplorable je trouve, car au lycée c'est pareil, les noirs restent entre eux et pareil pour les blancs ou pour les latinos. Ils peuvent se parler en cours mais à l'heure du déjeuner ils ne se mélangent pas. Et en France j'avais tellement l'habitude d'avoir des amis avec des origines diverses et variées que c'est vraiment un sacré coup. 
J'imagine que ça a quelque chose à voir avec ce que Coach Ford m'a dit à propos des élèves :
Elle a baissé la voix et a jeté un rapide coup d’œil autour d'elle :


- Ici, si tu n'es pas un Américain descendant d'esclave d'origine directe, les gens te regarderont bizarrement (elle a soupiré), je suis d'origine jamaïcaine mais j'ai aussi des origines cubaines et pour eux au lycée, c'était déjà étrange, pourtant je suis noire ! Alors je comprends que pour toi qui es blanche ET française en programme d'échange, ça ne doit vraiment pas être normal pour eux. C'est sûrement pour ça que les gens ne s’intéressent pas beaucoup à toi en cours.



Enfin bref, si je dois ajouter quelque chose de positif je dirais que la messe ici n'est pas quelque chose que tu "subis", car c'est grosso modo comme un concert de rock (enfin de rock chrétien plus exactement). Le pasteur est drôle et tu n'as pas besoin d'être croyant pour écouter ce qu'il dit : des extraits de la bible qu'il étudie de manière moderne, je trouve que ça donne lieu à  la réflexion sur ce qui est bien ou mal dans la vie de tous les jours sans forcément impliquer Dieu. Et puis j'aime bien voir tous ces gens heureux et j'aime apprendre de leurs croyances, donc, si tu veux lecteur, ce n'est pas un supplice d'aller à la messe tous les dimanches... enfin y'a quand même le café gratuit à l'entrée qui me motive bien...



Et sinon, lecteur, je deviens accro (et tu ne saurais deviner à quoi si tu me connais depuis longtemps) 
...au sport ! 




C'est ça, moque-toi lecteur-qui-me-connais, mais je jure que c'est vrai ! Le Cross country est devenu vital pour moi ici, c'est le moment de la journée que je préfère, celui où je quitte le bâtiment du lycée pour me diriger vers le stade et retrouver mon équipe et mon coach. Ça me vide la tête, je suis avec des gens que j'apprécie en faisant un sport que j'apprécie. Plus de pression, pas de cri d'animaux comme en cours : les tracks sont devenus mon hâvre de paix.
J'ai eu cette semaine deux courses contre plusieurs lycées des environs, et, bon sang, c'était carrément bien.


Le départ à la Hunger Games

Absolument détendue






















Et c'est juste incroyable tous ces gens qui t'encouragent en criant ton nom, qui te félicitent à l'arrivée, l'ambiance générale...

Moi, Asia, Quamecha, Myrat, Luis, Daje et Lee

La salle de muscu où on souffre bien.

Sauf que un bien n'arrive jamais sans un mal (je crois que normalement c'est l'inverse mais visiblement pas pour moi...) et tu te souviens lecteur quand je te parlais de ma chère et vénérée périostite tibiale ? Eh bien à cause d'elle j'ai dû arrêter le Cross country pendant une semaine. 
Quand ma mère d'accueil m'a vue revenir du stade en manquant de m'étaler par terre, elle m'a direct envoyée faire une radio le lendemain et résultat des comptes le médecin m'a donné une semaine d'arrêt. Le Coach a fait la moue quand je lui ai expliqué mon cas entre deux cours, parce que ici c'est très simple: les coachs détestent que leurs athlètes aillent voir les médecins car ils savant très bien que ces derniers vont leur imposer d'arrêter le sport pendant une certaine période. Ils préfèrent donc qu'on aille voir l'infirmière du lycée avant et après le sport pour faire des étirements, ce que je faisais jusqu'alors et ce qui ne suffisait pas.

Sinon on a eu une semaine à thème. Mardi c'était Twins day !


Tout semble aller plutôt bien pourtant, quelqu'un m'explique pourquoi cette chanson illustre à merveille comment je me sens ces jours-ci ?


Bref, cela va bientôt faire deux mois que je vis ici, dans les marais de Caroline du Sud. Cela fait deux mois que j'ai l'impression de ne pas colmater, de ne pas me fondre dans la masse. Tous les jours quand je sors de la base militaire de Parris Island, je vois les plus beaux couchers de soleil qui m'ont été donnés de voir dans toute une vie, tous les jours, lorsque je marche le long de la rivière, lorsque la lumière décline au loin et que le ciel oscille entre bleu roi et rouge sang j'entends le rire des dauphins et admire leur gracieux plongeon dans les eaux orangées. Tous les jours je vois ce qu'il y a de plus beau à voir, le vol groupé des hérons au-dessus du rivage, les pélicans qui viennent tremper leur bec dans l'eau salé, les tortues qui entament leur longue marche vers l'écume des vagues, les colonies de crabes araignées qui se promènent sur le sable brun, les herbes hautes qui ondulent au gré du vent lorsque la marée est basse. Tout est beau à pleurer, l'odeur forte de la marée à la tombée de la nuit, les éclairs, énormes zébrures de lumière, déchirant le ciel étoilé. Pourtant, à l'école, rien de cette beauté ne ressort, les gens que je rencontre et que j'observe ne reflètent pas cette nature superbe au dehors. Et il m'arrive alors de me sentir si seule, tout en me sentant bien entourée. C'est vrai, j'ai ma géniale famille d'accueil à qui je peux tout dire, j'ai Priscilla qui ressent probablement la même chose que moi, mais c'est comme si rien ne bougeait. Je suis ici depuis deux mois et il fait toujours trente degrés comme au premier jour, le lycée est toujours un vaste brouhaha incessant. Quand il m'arrive de me retrouver seule à ne rien faire de particulier comme maintenant, je commence à penser et, vous souvenez-vous de ce texte de Pascal : Le divertissement ? ; il prend tout son sens maintenant. Quand je suis occupée, quand je bouge comme la plupart du temps, je ne pense pas à ces choses-là, je ne pense pas qu'en France à l'heure qu'il est il fait froid, que l'automne est bien installé, que les feuilles commencent à roussir, qu'il fait un peu plus noir déjà en fin de journée. Là, tout de suite, je ne pense qu'à ça. Ce n'est pas insurmontable d'être loin de ce qu'on aime. C'est juste plus dur que ce que je pensais.

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